C'est d'abord un grand texte, publié en 2002, qui apparaît
tout aussi actuel dans notre gouvernement, parfaitement joué par ces trois
comédiens, deux acteurs et un musicien. Cette pièce de
Stanislas Cotton ramène à sa condition
perfectible l'homme qui doit veiller à conserver sa conscience morale quelque
soit ce qu'il vit ou ce que son environnement lui dicte. Est effleuré cet aspect
de l'humanité qui fait qu'un accusé finit par croire qu'il est coupable de ce
dont on l'accuse. Monsieur Rigaudon appelle des numéros et non des personnes, tout à ces clichés
de ces petites gens aux petites vies sans gravité, qui ne voient de l'extérieur
que le coin de leur rue ou à travers des voyages très organisés, n'écoute jamais
vraiment ceux qui sont en face de lui. Car pour le fonctionnaire, ces émigrants ne comptent pas,
ils ont de toute façon tort -d'être là, sont forcément menteurs,
et puis surtout ce préposé à la loi n'est pas concerné par ces autres vies. Si ce
n'est en cannibale lorsqu'il est attirée par le physique d'une fille. Un
enfant qui à faim l'émeut vaguement. Vaguement écoeuré se rendant compte de son
attitude, apercevant ce qu'il ne voulait pas voir en lui, il
finira par sauter du 6ème étage, à défaut de changer, faire changer, décider
d'agir autrement. Monsieur Rigaudon raconte sous la forme de prose du récit, ces entretiens
dans son bureau de fonctionnaire destinés surtout à rejeter les demandes
d'asiles. Vivant physiquement ces moments, il se contorsionne, s'agite, entame avec
le guitariste chanteur qui dans l'ombre colore le récit de solos de guitare
(sèche, amplifiée -petites notes aux sonorités profondes-, de
beaux duos musicaux, de type jazz-nouvelle chanson française. L'histoire s'attarde dans
sa rencontre avec un des demandeurs
d'asile, Barthélemy Bongo.
Celui-ci dans la dernière partie de la pièce vient nous raconter la même histoire, telle qu'il l'a vécue
lui même. Au contraire du fonctionnaire tyrannique et dérangé, l'homme africain
est calme, grand, plein de mansuétude, de tentatives de compréhension pour son
prochain, y compris devant cet homme qu'il aurait bien voulu connaître et comprendre. Sa
reconnaissance de la condition humaine y compris la sienne, lorsque l'humain
devient sauvage, est douloureuse dans son passé et un présent semés d'épreuves.
Une originale mise en scène évoque une sorte de cabaret, la
scène est une étroite table très longue, nous sommes autour, spectateur de cet
ordinaire quotidien actuel. L'homme est petit, ordinaire, classique
fonctionnaire, homme d'affaire. Il a une chaise, un fauteuil plutôt, de
dentiste à moins que ce ne soit une chaise électrique. Lorsqu'il s'énerve, crie,
inhumain et fou, sur de son impunité, représentant la loi qu'il diffuse, le
fauteuil tel un ascenseur se distant démesurément, s'élève...
- Une pièce à voir !
Avignon, jeudi 15 juillet 2010
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