festivaldavignon2013
Théâtre, à partir de 12 ans...
Métallos et Dégraisseurs
de Patrick Grégoire...
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Mise en scéne : Patrick Grégoire

Avec :  Raphaël Thiéry (tréfileur de père en fils),
Michèle Beaumont (femme du tréfileur)
Alexis Louis-Lucas (l'usine), Lise Holin (fille ainée),
Jacques Arnould (l'autorité)

Décors : René Petit
Costumière :
Rozenn Lamand

Chargée de diffusion : Agnés Billard

Métallos et dégraisseurs

Théâtre Du Bourg Neuf
5 bis rue du Bourg Neuf

à 11H
du 8 au 31 juillet 2013

Durée : 1H40

Réservation : 04 90 85 17 90



     

Soutien : DRAC et Conseil Régional Bourgogne, Conseil Général Côte d'Or, Ville de Dijon, Quétigny


 


"Un bon spectacle vaut mille discours. Cette fresque de 150 ans de vie ouvrière, déroulée par 25 personnages, jouée par 5 comédiens, est de ceux là. Née de paroles d'ouvriers, cette tragi-comédie trépidante, aux astuces scéniques incessantes et à l'humour sans concession, est "drôle, sensible et mordante, mêlant chronique et critique sociale à la manière d'un Dario Fo." (France 3). 9000 spectateurs ont déjà été happés par cette histoire universelle du monde ouvrier".






         Critique de la Pièce :

Une des meilleures pièces de ce Festival d'Avignon 2013. "Métallos et dégraisseurs" est une vraie belle pièce de théâtre, extrêmement drôle, jouée par de formidable comédiens en osmose, pour dépeindre, avec humour et délicatesse, la vie d'une lignée d'ouvriers, de 1779 aux années 2000, à Sainte Colombe sur Seine où fut installé le premier haut-fourneau.

Au début de la pièce est célébré la condition ouvrière. Etre ouvrier est une consécration, pour une femme par rapport à une vie de bonne, fait la fierté d'un homme, de pouvoir faire vivre toute sa famille, d'acquérir un savoir, qu'il fera partager un jour à son fils. L'embauche est facile, et le travail apporte aussi un logement. Grâce à l'usine. Incarnée par un personnage perché très haut, vêtu d'une grande robe grise s'évasant telle une cheminée de hauts fourneaux, portant un casque surmonté de barbelé, tenant les manettes d'une console (de sons, du travail des ateliers sur le fer, tréfilage, clouterie, cablerie, tisserie...). L'homme-cheminée d'usine, enregistre les nouveaux inscrits. Plus tard, l'usine représentée par cette cheminée humaine, semi-automate, peu à peu faiblit, de plus en plus démantibulée par les restructurations. Le personnage haut perché, tout puissant, devient comiquement, courbé, exsangue. "Harcelor Mittal" sera l'avant dernier nom de l'entreprise, avant le spectre de sa délocalisation physique, à l'étranger. Pour en arriver là, des hommes. Un homme, sorte d'audit à détruire, pour faire remonter, ce qui est devenu le but unique à atteindre, les courbes de rentabilités effondrées. Les figures d'ouvriers sont belles, prenantes, ont de l'allure, les comédiens parfaits pour les faire vivre, le père (l'homme fort, du terroir), la mère (très géniale petite dame), la fille (vivante représentation de chaque époque), le chef (contremaître, ingénieur, audit...), figures renouvelées de générations en générations, jouées par les mêmes comédiens, qui donnent vie ainsi aux fils, maris et femmes, dans cette lignée d'ouvriers, qui en sera à sa 7éme génération à nos jours.

Jardins ouvriers, petites maison fournies aux ouvriers, une pièce pour deux enfants, pré-figure d'HLM, usine omniprésente incarnée par cette cheminée qui rejette de la fumée et reproduit les sons des rouages en fonction continuellement.  Une musique d'accordéon, des drapeaux rouge en 1936, une veste en cuir portée lorsque l'histoire évoque 1968. Une petite table où l'on trinque un verre de rouge pour l'épilogue (où on est revenu en arrière), forme le tableau d'un décor et d'une mise en scène réussie, d'une pièce dense et vive où les jeux de mots, l'humour, l'énergie des comédiens, nous apportent aussi une conscience (tout en gaieté) de ce qui est à l'origine de la fin du travail pour tous.

Un résumé d'histoire, d'une usine, d'une époque. Une époque, sans confort, sans lois-cadres, où les syndicats plus ou moins illusoires débutaient tout juste (pour un espoir de vie plus douce et d'avantages arrachés aux patrons), mais où c'était encore des hommes qui dirigeaient, et non la machine, le monde globalisé organisé par des audits et des courbes statistiques.

Tréfileur, de père en fils nous apprends que la cause de l'absence de travail n'est pas la venue des étrangers (on fait venir des gens d'ailleurs pour exécuter les travaux dont ne veulent plus les autochtones), mais les lois de rentabilité et les stratégies financières, qui conduisent les dirigeants à faire produire là où la main d'œuvre est moins chère. Outre le fait qu'une part du travail ouvrier est remplacé par des machines. Allié à un délitement général des valeurs.

Un moment théâtral riche, de divertissement, de consciences et de réflexions, qui nous transporte sur deux siècles.


Mardi 30 juillet 2013