Sortis, s'extrayant difficilement et brutalement d'un
container jaune dont les portes viennent de s'ouvrir comme par trop de
pression à l'intérieur, de grands sacs blancs, de vieux bidons, des morceaux de
ferrailles tordus, des tissus recouverts d'une inexorable couche de plâtre
blanchâtre comme celle que donne le temps ou les effets d'une bombe qui
aurait figée personnes et objets, des corps se discernent
peu à peu. Un képi, des vêtements, un visage blanchi aux cernes noirs. C'est
par un léger mouvement de ces masses humaines parmi les autres inertes, qu'ils se distinguent et
qu'on les devinent alors vivants. Ils bougent, à nouveau,
après leur vie première où ils en étaient acteurs, pour certains utiles à
leurs fonctions. Ainsi l'un d'eux va et vient, tenant une serviette blanche sur son bras replié,
il était sans doute maître d'hôtel ou serveur. D'autres
nouveau vivants découvrent des d'objets, qui trouvent une
nouvelle fonction. Ainsi cette vielle jeune fille, cherche des poupées,
à mettre dans un vieux landau récupéré. Chacun peu à peu, retire de
la benne tout ce qu'elle contient. Chacun œuvre, avance, revient, déplace des choses, tentent de réparer ce qu'ils trouvent.
Une vieille fenêtre est posée toute droite sur le sol. Elle sert à toquer, pour
demander à entrer. Ces êtres se sont extraits de la benne, en portants de
lourds sacs, qu'ils ont traînés jusqu'à l'extérieur. Nouveaux arrivants, ils ont débarqués, et vérifiés leurs trésors. La benne-container
qui
les a transporté est progressivement vidée, ils s'installent, vaquent à leurs occupations. Comme
si la notion-travail de leur vie précédente, dont les habits hétéroclites
pourraient en être le souvenir, parait toujours la seule occupation
possible et valable : refaire, travailler, comme avant. C'est un
ballet, qui devient, heureusement, presque comique. Ils se dérident
et les sons qu'ils font avec ce qu'ils transportent, volontairement
pour faire de la musique, ou issus de leurs activités, ponctuent la pièce,
en donne la drôlerie, teinte la partition, la scénographie, de
moments divers, qui ajoutent comme des paroles, qu'ils n'expriment pas par des mots. Les sons, qu'ils
créent, mettent en scène des sentiments humains basiques, tel que l’énervement
et le jeu.
C'est un spectacle hors du commun. Les étranges créatures qui l'incarnent,
pourraient avoir été inspirées des géants du Nord. Non pas qu'ils soient si
grands en taille, mais par l'attention qu'on porte soudain à leur étrangeté, et
le respect qu'ils inspirent rapidement. Peut-être par leurs lenteurs, au
ralenti, êtres devenus inertes, se mouvants à nouveau, leur courage, qui
émane, chacun vacant bientôt à des occupations qui ont pu être les
leurs autrefois, tenant du phénix qui renaît de ses cendres. L'origine physique
de ces créatures pourrait venir plus simplement, du clip d'une chanson de Mickael Jackson, "Thriller", des années 80, illustrant une danse de
morts vivants. Ceux du spectacle, inspirent, plus que la vie renaissante, celle
qui n'a jamais cessé d'exister, de personnes et de choses, que la société de
consommation à laissé.
Placé sur un petit stade
de foot,
sur la base Nautique de l'Ile de la Barthelasse, le container est au fond. Les spectateurs, peut-être 150 ou plus, disséminés autour,
se sont assis d'abord par terre. Des comédiens habillés en balayeurs
des rues, vêtus en verts avec des balais jaune, découvrent des
bâches recouvrant des chaises, qui attendaient sous les arbres
environnant (nous somme au bord du Rhône, au calme de la ville en face), les
spectateurs peuvent alors s'asseoir autour du rectangle formé par les marques au sol du stade, sur lequel le contenu du container à commencé à s'extraire depuis peu. Les créatures et leurs objets
lentement amenés, portés ou traînés, s'étalent à mesure sur l'espace,
qu'ils finissent par recouvrir. La marche de ces êtres s'est affirmée, ils sont
moins courbés, toujours lents ils ont néanmoins accélérés. Puis leurs habits se
sont allégés, ils retirent une veste, un manteau. A la fin du spectacle,
ils revêtent une combinaison couleur peau, qui les fait paraître dévêtus, celles des hommes s'agrémente d'attributs masculins bien visibles.
Seraient-ils
redevenus des hommes-singes, évolution d'objets
de rebuts devenus vivants ? Ou tout simplement
se
sont-ils tellement allégés, qu'ils en sont dévêtus ?
Une allégorie, qui parfait un coté positif et comique, à ce spectacle proche de la performance, avec ses nombreux comédiens, durant plus d'une heure trente, qui captive le public.
Au gré du temps qui s'écoule, nous les découvrons, nous les reconnaissons, chacun exerçant une activité, chacun s'est identifié devant nous. C'est nous qui devenons les "invisibles". Nous assistons à leurs vies, semblable à la nôtre, celle de
tous les jours. C'est en quelque sorte en face d'un miroir que nous nous retrouvons, et c'est bien fort de l'avoir montré ainsi. Evidemment c'est
une interprétation du spectacle, sans paroles, qui en laisse d'autres, mais qui ne laisse personne indifférent, convainc quasi unanimement.
"C'est quelque chose!"
entend-on à la fin.
Une
pièce de théâtre qui inspire un grand respect, de ce qui
provoque le rejet chez l'humain moyen, qu'on prend à revers ici. Bravo !
Jeudi 18 juillet 2013
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