- "De la porte d'Orléans" est une belle pièce
de théâtre qui utilise la marionnette pour faire revivre un moment
historique à Paris pendant la
Résistance. Très documenté, le spectacle est esthétiquement beau, tant dans les décors
sobres que le jeu de d'Audrey
Bonnefoy. La jeune femme en robe noire et coiffure tressée haut,
conte comme la sienne l'histoire d'une petite fille de 6 ans qui vient
voir sa grand mère, Résistante, porte d'Orléans, pendant l'occupation
allemande. En 1942, époque pas si lointaine du gouvernement de Vichy pour Etat, avec son chef le
Maréchal Pétain. La comédienne joue tous les personnages, changeant de
voix et de postures, se fait l'interprète de ses marionnettes.
- La
lumière qui s'allume au début de l'histoire est celle d'un spot
au sol, tel un lampadaire des rues ou un projecteur utilisé en tant de
guerre. Orangé par sa lumière, noir sur pied, il veille, se réveille par
moments, s'intensifie ou se fait discret. La comédienne, volubile,
ouvre le récit qu'elle va nous faire revivre, ses souvenirs des
personnages qu'elle côtoyait dans le quartier de sa grand mère. Nous
sommes proche de la belle époque, dans le Paris de Piaf, où
solidarité et revendications sont des mots qui ont du sens,
mais aussi dans cette fin de guerre où rode encore, des délations
racistes envers ceux que l'Etat désigne, ou au sujet de ce qu'il
impose (rationnement par exemple).
- La voisine, la marchande du marché, la mercière juive menacée
par la Gestapo, remplacent le récit, par la magie du théâtre.
Effervescence d'un peuple qui travaille, sons de métiers disparus,
klaxons de vélos dans les rues, accent du peuple. Voix à la radio,
qui s'échappent des fenêtres pour diffuser l'information nationale
et les réclames, chansons des
bals populaires un quatorze juillet, grillons de la nuit. On y est.
-
- Les personnages s'incarnent dans des marionnettes. Une
marchande, vend des topinambours au marché, figuré à l'aide d'une
boite, d'où elle crie pour se faire entendre, et donner son avis sur
l'époque. Une autre dans sa boutique de mercerie, vends à un client,
de la gestapo, qui l'oblige à porter son étoile jaune et la menace
de chantage. Ce sont des occasions de raconter l'histoire. Celle des
feuilles d'alimentation, et moyens de les utiliser au mieux malgré
un système compliqué fait de lettres et de chiffres associés à des
denrées. Le travail ne manque pas, les bras sont demandés partout. Y
compris pour les Résistants, ceux qui veulent une France libre.
Tracs imprimés et collés, distribués, harangues furtive du peuple,
improvisées à un coin de rue. Messages codées diffusés sur d'autres
ondes que celle de la radio officielle, dont on apprends que ce que
le gouvernement veut nous dire. Mots usuels codés (de type,
"l'armoire verte à été livrée ce matin") pour communiquer des
actions à faire. C'est d'un cadre ouvert, placé haut, d'où est
sortie une marionnette tel un Guignol Lyonnais, marionnette
frondeuse, qu'on apprends ces choses, et l'essence du spectacle : il
faut résister, ne pas se résigner à l'inacceptable devenu loi, aux
pressions de ceux qui veulent s'approprier, une terre, un privilège,
imposer pour diviser et voler. Un interlocuteur restaurateur,
collabo ou résigné, envisage les plats qu'il ne mangerait pas lui
même, mais qui sont les seuls envisageables : soupe de ragondins,
cafards en béchamel...
- La matière sonore travaillée est remarquable, retranscrit cette
période, ponctuée de chansons de l'époque, très gaies, dans une
insouciance relative ou paradoxale, en 1942, où on se sens proche de
la Libération, qui arrivera trois ans plus tard tout de même. Paris,
son métro, l'accent de son peuple, l'union qui fait force
collectivement pour résister, nous sont restitués. Dans une belle
tradition de la marionnette et du théâtre, sur un sujet, qui trouve
résonance dans le monde actuel. Où Résister semble être devenu
interdit, comme sous les gouvernements totalitaires qui ont peur de
leur voir s'échapper leur dictature. Où les Collabos de la Gestapo
sont remplacés par les Renseignements qui traquent et utilisent les
individus.
- Courez prendre une leçon de savoir vivre et de qualité
théâtrale, pour les plus petits, écouter et voir cette ambiance de
l'histoire, les lumières, chants, marionnettes, qui habitent le
récit.
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- "De la Porte d'Orléans" fait partie des pièces remarquables de
l'année au Festival d'Avignon Off 2015.
- Ne pas oublier avant d'entrer, de prendre le mini-journal
Combat, du 2 août 1942. Extrait d'articles, décret de lois
stigmatisant une population, et de publicités d'époque vantant la
bière énergisante. D'annonces, de défaut d'étanchéité dans des
boites de Viandox, de théâtres ambulants reprenant la route. De
conseils de remplacements, comme fumer du tilleul ou de l'armoise,
faire une mayonnaise sans oeuf. Une mine d'or..
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- Mercredi 15 juillet 2015
Ps : Cette pièce et par la véracité de l'histoire, ouvre la porte de
ce qu'on a oublié, à savoir, se défendre, pour vivre la vie qu'on a
choisi, et ne pas subir le courant du moment qui fait loi. A notre
époque il faudrait sans doute se mobiliser pour dénoncer, faire cesser,
le scandale de l'action caché des Renseignements, capable d'ordonner,
par manipulation, à toute une population, d'effectuer ou de dire des
choses précises destinées à atteindre une cible précise, directement ou
par ricochet, pour la détruire, sans procès et sans causes réelles,
procédés hors-la-loi, mais pas sans buts, des buts qui sont multiples et
diffus.