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Théâtre
Les Burelains

étude burlesque du comportement humain en milieu bureaucratique

d'Hacid Bouabaya
 
Compagnie JOKER
 
Mise en scène : Hacid Bouabaya
 
Avec : Willy Claeyssens, Bernard Debreyne, Nicolas Cornille, Barbara Monin

 Lumières : C. Durieux
Présence Pasteur
13 Rue du Pont Trouca
(depuis le Portail Matheron>donne dans la Rue Pasteur, et rue Thiers)
 
à 21h50
 
du 4 au 24 juillet 2015, relâche les 10, 17

Durée : 1h15

Réservation : 04 32 74 18 54

 

Soutiens : ADAMI, Nord, Pas de calais, Région NPdC. Opération Nord Pas de Calais en Avignon .

La compagnie JOKER a vu le jour en Mai 1990 avec l'association de deux comédiens passionnés de masques : Hacid Bouabaya et Barbara Monin :

Depuis prés de 25 ans, nous sommes à la recherche d'un théâtre vivant et moderne. Nous cherchons à créer un théâtre exubérant et spectaculaire, un théâtre de dérision qui jette un œil sans complaisance sur notre monde. Mais c'est le plaisir qui est le véritable moteur de notre travail,  plaisir du rire et de la démesure,  plaisir partagé des spectateurs et des comédiens, plaisir de créer, de réinventer à chaque représentation. Plaisir de la générosité et de l'émotion.

 

 

"Dans le décor suranné d’une administration quelconque, trois burelains démarrent leur journée. M. Soupe, vieux fonctionnaire revêche, M. Larrier, débonnaire un brin découragé et Mlle Poivert, secrétaire débordée. Le travail est routinier mais l'arrivée d’un petit nouveau va bouleverser leur monde. M. Couique, jeune burelain plein de bonne volonté fait le rêve de ramener du sens dans cet univers rationalisé et uniformisé".
«Une nouvelle fois, la compagnie Joker fait mouche. Tous auront adoré ces clowns modernes qui ont su donner corps à l’un des spectacles les plus originaux proposés jusqu’alors», La Voix Du Nord".

 

 

 

Une excellente pièce que Les Burelains. La billetterie néanmoins mime son sujet et retarde pour le site son invitation, obligeant à une demande par mail, sans réponse, qui du être suivie d'un second, pour avoir enfin une réponse... du metteur en scène lui même. Pas de dossier de presse  disponible, notamment pour en savoir plus sur l'auteur original de cette pièce. Les burelains, ce sont des employés de bureau (d'administrations). Chez les burelains rien n'est laissé au hasard, détours, choses compliquées nécessaires, multiplications de classements et services, pour un but qui aurait pu être obtenu par un seul bureau et des mêmes employés. La mise en scène, montre ce petit jeu d'embrouille absurde à la Kafka, quand le nouveau, qui cherche le bureau des plaintes -pour se plaindre de ce qu'il considère incohérent dans son travail- est envoyé à différents étages et numéros de portes, l'un pour prendre un bordereau, un autre pour le signer, un troisième pour être enfin remis à la personne concernée. C'est la manière privilégié par les burelains d'administration, que d'étouffer toutes demandes, d'autant plus pour une remise en cause de ce qu'il peuvent faire exprès pour mettre des bâtons dans les roues. Notamment par des exigences absurdes et irréalisables. D'une façon à la fois improvisée et institutionnelle. Retour continuel du nouvel employé, dans le même bureau avec les mêmes personnes, dont les noms et fonctions ont officiellement changés, ce qui les fait rire de leur jeu. Parti de la porte de droite du bureau, il y revient par la porte de gauche. Le burelain nouveau est embauché pour archiver, ce qui est classé, "à classer". Démarche compliquée mais -indispensable et logique- argumenté par la consciencieuse et passionnée secrétaire.
 
La machine immuable des burelains pousse au suicide l'apprenti plein de bonne volonté pour son métier, persécuté, car sortant du moule, il a bien essayé. On ne le verra plus c'est tout, après avoir sauté de l'immeuble, au dessus des tiroirs. Souris pour ce monde, il aura chercher à fuir, par dessus les étagères jusqu'au toit. Où là s'arrêtent les voix et les lampes torche sur le front des employés à sa chasse, qui d'ailleurs le cherchait juste. 
Le jeune burelains englué dans ce bureau, à disjoncté, sa révolte était pourtant légitime contre l'ineptie. Il ne  trouve pas de sens à ce qu'on lui demande, et la manière de le faire. Il n'accepte pas cette déshumanisation qui entrave même les sentiments, c'est ce qui perdra le burelain à la pomme. Après avoir soutenu, aider en l'écoutant et le conseillant, son camarade amoureux en secret, faisant preuve d'une humanité fraternelle, évidente dans le monde normal, mais peu courante dans celui-ci.
Des petites phrases positionnent leur personnage, les impossibilité de chacun.
 
Les trois comédiens sont parfaits, leur plaisir à jouer donne l'exacte posture de leur rôle, avec une étincelle qu'on perçoit et qui emporte. Mention pour le jeune burelain, qui joue finement, avec charme, ce rôle, à la fois burelain, déjanté et tendre, intelligent. Le burelain débonnaire, à la carrure d'un acteur des Chaises de Ionesko, un look de la Comédie Française. Celui qui attends une promotion, semble sorti d'une pièce de boulevard dans la pure tradition. Comme la secrétaire à grosses lunettes, qui couve ses dossiers dans un vieux landau contemporain de Bécassine. Le débonnaire dit au nouvel arrivant, que pour durer : "il faut en faire le moins possible, ne pas faire de vagues, ne pas se faire remarquer, pour qu'il n'en soit pas demander plus". L'ambitieux, qu'au contraire : "il faut se donner sans compter, en faire deux fois plus que les autres", pour se faire remarquer et monter en grade. Aimer trouve mal sa place dans le monde des bureaucrates.
Les burelains sont humanisés par une affaire de coeur improbable et comique entre la secrétaire et le débonnaire. Secrétaire que ce dernier laisse pourtant sans broncher, comme ses collègues ébahis, faire mille jeu d'équilibriste passant devant eux, surchargée, cachés par ses dossiers qui lui arrivent au dessus des yeux, à transporter pour classement. Le jeu de scène est comique tandis qu'elle traverse le bureau, maugréant à tâtons. Avant qu'on ne l'entende, derrière la porte enfin ouverte et refermée, tomber plusieurs fois avec son chargement. Personne ne viendra s'enquérir de son sort.
 
Le décor est superbe, sobre, et à la fois grandiose. Une pièce-bureau, meublée de trois bureaux individuels en bois paraissant massif, de très hautes armoires à tiroirs montant jusqu'au plafond (de la scène). Les portes aux deux extrémités, sont très hautes, leur poignets pour ouvrir, très hautes aussi. Il faut donc lever les bras pour sortir ou entrer, marquant le poids de l'administration et ses rouages. 
La pièce reste sur le ton de la farce, toujours gaie, comique, enlevé. Tout en montrant la petite férocité du rigorisme et de la hiérarchie d'une bureaucratie qui se maintient volontairement dans l'établi, étouffant créativité, inventivité, sentiments et réflexions sur le sens personnel.
 
Cette excellente pièce, très bien jouée, se passe au milieu voire au début du 20éme siècle, pourtant le corps de l'histoire est toujours actuel. Des burelains de notre époque le confirme : leur machine leur permet de faire exprès, quand ils le veulent, de ralentir, une démarche, la compliquer, l'empêcher, invoquant de n'avoir jamais le bon papier, par exemple. Voire en faisant intervenir d'autres services à mauvais escient. Ils sont le départ de toutes les dérives possibles, l'initiant. C'est une burelaine elle-même qui l'a dit.

Lundi 20 juillet 2015

 
 
En ville, cinq jours après le spectacle, une haute dame, blonde reconstitué, aux lèvres pincé et robe beige courte pour son age avancé, se pointe à la caisse d'une superette, pomme rouge à la main, réclame, pour l'acheter, un grand cahier vert, qu'elle emporte précipitamment d'un air de reproche. Etait-ce une burelaine en attente de son article, une avignonnaise dépitée, ou une travailleuse des Services, à l'oeuvre de scènes de mimétisme...?