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                                                                                             Théâtre    
                 Conférence de choses               
                                                         de François Gremaud, Pierre Mifsud
                                                       2b company
                                                                                              Suisse
 

Avec : Pierre Mifsud

Conception : François Gremaud

Co-écriture : François Gremaud, Pierre Mifsud

Administration, production, diffusion : Michaël Monney

 
La Manufacture
2 rue des Ecoles
(part du milieu de la rue Guillaume Puy)
 
à 10H40
 
du 6 au 24 juillet 2016,
relâche les 11, 17, 18

 

 

Production : 2b company.  Coproduction : Arsenic  Lausanne), Centre culturel suisse 5paris). Avec la participation de : Far° festival des arts Vivants (Nyon). Soutiens : Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture, Corodis, fondation suisses des artistes interpretes, Fondation Leenaards, Fond culturel de la Societé Suisse des Auteurs (SSA). Ville de Lausanne.
Spectacle dans le cadre de "la sélection Suisse en Avignon".
"Il manie l'association d'idées comme un psy joue au billard mental.  Jouissif et imperceptiblement drôle", Libération.  
 
Fondée en 2005, l’association 2b company a constitué au fil des années un répertoire de créations originales constitué de spectacles et de petites formes, théâtrales ou autres (films, publications, chansons…)

 

"Conférencier à l'esprit d'escalier, Pierre Mifsud a un savoir encyclopédique qui lui permet de toujours retomber sur ses pieds. Un flot de connaissances dans lequel il navigue sans boussole, passant joyeusement du coq à l'âne, du bonbon Haribo à la philosophie de Descartes, des rives de la rigueur scientifique à celles de la folie langagière. Faite de choses et d'autres, cette causerie en 9 épisodes est aussi une réjouissante performance d'acteur. Une prouesse d'équilibriste reposant sur l'essentiel : un comédien face à un public. Sans effet, sans filet".

"Pierre Mifsud - sorte de Pécuchet contemporain - salue l'audience et, de lien en lien, de sujet en sujet, de rebond en rebond, du bison à la Reine Margot, de Descartes au bonbon Haribo, de Annie Hall à la Comète de Halley, ne s'arrête plus de parler ( ) « Conférence de choses » est une déambulation ludique au cœur du savoir encyclopédique participatif contemporain, révélant à la fois les vastes étendues qu’il recouvre et quelques-uns des improbables chemins qui le traversent. C’est également une incroyable performance d’acteur qui ne repose que sur l’essentiel : un comédien et un public dans un espace et un temps donné, sans effet, sans filet, sans technique".

 

 

 

 

Le spectacle est l'épisode du jour, parmi les 9 qui composent la pièce, jouée en son entier le 17 juillet à la Collection Lambert (musée d'art contemporain d'Avignon).
 
Un guide conférencier nous accueille, affable, grand et chauve, à l'allure sérieuse, un peu g.o, ou recyclé d'affaires générales qui aurait trouvé dans son emploi pérenne une occupation plus précaire mais ludique, met en marche, tout en nous expliquant ce qu'il fait, un chrono programmé pour 53 mm, avant de le ranger dans son sac à dos. A nous de l'arrêter quand l'engin sonnera discrètement... Il commence son exposé adossé à une table. Pas d'effet de lumière. Pas d'exagération théâtrale apparente, sauf à la fin. C'est un guide conférencier des plus classiques, qui se pose en reflet de ceux, parmi les brillants, captivant leur auditoire lorsque leurs remarques concernent le sujet, objet d'une visite. Il pourrait aussi être un professeur passionné mais très digressif.
Ici, pas d'objet précis à étudier, mis à part le langage et le savoir infini, servi par Internet. Ce sont des digressions permanentes. Qui créent un fil au flot de paroles. A la première écoute, il semble qu'il n'y ait pas de vrai récit développé. On s'accroche à des bribes de phrases, fasciné par le débit, et les gestuelles du guide passionné. Des anecdotes, ajoutées aux faits racontés, font ressortir une dimension surréaliste intéressante. Le comédien décortique ainsi pour nous, par son sourire avec lequel il parle, en citant des faits terribles qui auraient pu être arrêtés par les protagonistes dans la vraie vie, le détachement qui s'opère lors d'un récit, de surcroît historique. Nous nous positionnant alors, hors d'une réalité. On ne se pose même pas la question de s'interroger, de remettre en question le fait décrit, sur lequel on aurait pu agir.
 
Le guide au gré de ses digressions, décrit le midi de la France, un accident de cocher et de carriole renversée, étudie des peintures comme "La Dentellière" de Vermeer. Il parle sous la forme d'un dialogue possible en s'adressant au  public, mais il n'en est rien. Il soliloque, part sur le chemin qu'il veut, fait des gestes pour rassembler et convaincre. Il a l'air disponible à l'intervention d'un tiers, mais seulement pour un très court instant. Son phrasé est celui, lent, très distinct, des discours. Ses digressions sont à elles seules des exposés, sur des anecdotes décortiquées mises à jour, qu'il conclut, en citant encore et encore de nouvelles choses. Tout cela est dit d'un ton docte, sans autre enjeu que celui de nous donner ces informations sans objets véritables. Le ton employé, les descriptions précises, donnent crédibilité à ses informations, nées d'un savoir tout de même. Pourtant c'est stérile, puisque sans but.
53mm heureusement c'est assez court. Parce que, même si le rire franc ponctuel est présent, surtout au début, cela ressemble bien à un réel quelque peu ennuyeux. La pièce parait être "sur le parler pour ne rien dire", avec une masse de données inépuisables. L'exposé pourrait être l'illustration du "s'écouter parler", le mode célibat (moi d'abord), les délires (parler et développer des thèmes qui ne passionnent pas autant que soi, son auditoire). Il y a bien pourtant des liens entre les phrases, de causes à effets, de lieux en personnes, même si le sujet change sans transition tout à coup. Cette question vient aux lèvres : pourquoi ce Monsieur me (nous) raconte tout ça ? En tout cas, si j'étais devant un guide conférencier, parce qu'au théâtre je suis venue me poser des questions, éventuellement rire.
Il y aurait une large part d'improvisation, dans ce dense one man show censément très écrit, dit à la sortie un des spectateurs bluffé. C'est peut être le cas, lors d'interventions du public sollicité par le comédien en début de représentation. En fait l'essentiel de tous ce qui est dit, est appris, dans la logique du système de ramification Wikipedia, de lien en lien à partir d'un sujet.
La forme du réel à peine mis en théâtre parait une façon de jouer à la mode en ce moment, paraître naturel comme en improvisant, en restant dans un jeu théâtral où tous ses gestes ont du sens. C'est dans la mise en critique du savoir-faire oratoire, d'un conférencier, d'un politique, d'un homme qui bénéficie d'une aura, qui est écouté, que se trouve l'intérêt de la pièce.
Dire des mots, des choses apparaissant intéressantes et cohérentes, faisant preuve d'un savoir, quel qu'en soit le sujet, aidé du ton employé,  bénéficie de l'intérêt captif de l'assemblée, qui ne se posera pas en critique, mais en avaleur de mots, un peu groggy, hypnotisé.                                                                            
La pièce apparaît moderne, intrigue.  Au final, on est plutôt conquis. Par le personnage, le propos (avec un recul intellectuel) de cette étude.
C'est une conférence de rien, sur beaucoup de choses, une réflexion incarnée par l'érudition d'un simple guide conférencier survitaminé aux informations captées.
Construit à partir d'hyperliens de Wikipédia, c'est un spectacle sur l'expression des connaissances récoltées, dont on peut extraire des milliers d'histoires, leurs pouvoirs, de faire voyager l'esprit, d'être écouté, et cru.
 
21 juillet 2016