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Théâtre, à partir de 13 ans
Toute entière, Vivian Maier,
qui êtes vous ?
 
de Guillaume Poix
 
Le Préau CDN de Normandie -Vire
 
Interprètes : Aurélie Edeline

Accompagnement chorégraphique : Thierry Thieû Niang

Scénographie : Cassandre Boy

Son : Guillaume Vesin

Lumière : Sébastien Marc

11 bd Raspail
 
15H10
        du 6 au 28  juillet 2017           
relâche les 11, 18, 25  
       
         Durée : 1H15          
     
          Réservation : 04 90 89 82 63         

 

    Production le Préau CDN de Normandie – Vire 
avec la participation artistique de l’Ensatt et le soutien de la Chartreuse, centre National des écritures du spectacle de Villeneuve lez Avignon
Texte aux Editions Théâtrales

        

 

       

"Une femme, anonyme, a vécu dans l’Amérique des Trente Glorieuses, cette Amérique iconique et multicolore qui a déferlé sur le monde entier avec ses images, ses slogans, ses rêves. Un jour, bien plus tard, en 2007, à Chicago, un jeune homme a découvert des caisses remplies de négatifs – plus de 100 000 ; il les a fait développer, et ce qu’il y a vu tient du miracle : les photographies exhumées ne sont pas seulement d’une beauté et d’une puissance rares, elles dessinent aussi en creux le portrait de leur auteure, cette femme étrange dont le nom résonne à lui seul comme une énigme : Vivian Maier. Derrière ce nom, il y a autant d’évidences que de mystères, il y a le spectre de Julie Andrews et son indécollable Mary Poppins – Vivian Maier était gouvernante, sillonnant inlassablement son pays pour s’attacher à une nouvelle famille –, et les figures de Sylvia Plath, Diane Arbus ou Janet Frame, ces femmes anglo-saxonnes qui ont vécu le puritanisme et les électrochocs, qui ont écrit leurs souffrances et leurs euphories et vu, sous le vernis clinquant de leur société, les ravages de l’exclusion, de la difformité et de la solitude. Tout ceci, Vivian Maier nous le montre sans complaisance dans ses splendides photographies de rue. Mais sous les traits de son visage farouche, buté et mélancolique – Vivian Maier a laissé de nombreux autoportraits –, il y a aussi la condition d’une femme nomade, inadaptée au monde, obsessionnelle et trouble. Une femme qui n’a jamais exposé ses photographies, qui ne les a même jamais vues ayant renoncé à les développer, mais qui assemblait scrupuleusement, année après année, pellicule après pellicule, un édifice colossal. Une femme invisible construisant une œuvre fantôme. On sait très peu de choses sur elle : on ne sait d’elle que ce qu’elle a regardé. Avec Aurélie Edeline, nous avons partagé une bien légitime fascination pour cette artiste si atypique. Nous avons désiré nous approcher d’elle sans chercher à remplir ses creux, résoudre ses énigmes, ou colorier les blancs de sa vie : ce sont ses replis et ses ombres qui nous hantent et que nous souhaitions donner à voir. Loin de la biographie théâtrale, Tout entière invoque l’adage proustien qui veut que tout être ne cesse résolument d’échapper et de se dérober".

 

 

        

 

Découvrir les photos de Vivian Maier au Musée du Jeu de Paume il y a quelques années à été une surprise, un grand plaisir, des photos d'anonymes dans la vie quotidiennes des rues de New York dans les années 50 identifiables aux vêtements et voitures. Dans la pièce du curieux Guillaume Poix , on découvre non ces photos, mais la personnalité de cette photographe apparemment trouble, dans l'exercice de son métier lucratif, celui de gouvernante.
Sur la scène nue, une comédienne en short, dans la pénombre. Elle y restera tout au long de l'histoire, peut être parce qu'il s'agit de souvenirs, de ce qu'une personne lui a raconté, ou que l'auteur y voyait là une illustration du fait qu'il n'avait pas toute les réponses sur cette personnalité peu connue. D'ailleurs il y a peu à dire, et ce qu'on en dit, dessert la beauté de ses photos pleines de lumières, de reflets, dans les rues, les pierres des immeubles, évoquées dans la pièce.
 
De la jeune femme en short qui raconte, s"extrait la garde d'enfant qui n'aimait pas les enfants. Ici on l'a voit parler à celui dont elle s'occupe, comme à une grande personne, lui racontant certaines horreurs du monde, en l'emmenant, rarement, en promenade, le plus souvent saugrenue au gré de ses envies (la mère employeuse, ne s'occupant guère de l'occupation de son enfant). Ainsi la gouvernante emmène l'enfant de 8 ans, à qui elle dit ne pas l'aimer, visiter un abattoir... Récit imagés de sons et de mimes, terribles, qui peuvent se faire plaidoyer des L214, défenseurs de la vie animale. Ce récit, dit véridique-vérifié, extrait du journal de Vivian Maier, est joué avec l'accessoire costumier d'une jupe à large bord agrafé, d'un éclairage blafard tandis que le reste de l'espace est noyé d'ombres. Jamais l'enfant n'est figuré. Est évoqué un appareil photo à soufflé, qui émet un son exagéré et long, de type "pshitt", lors la gouvernante prends un cliché, et dit : "je prends !", comme si l'image capturée était un vol, un acte considérable de portée, né d'une aspiration énigmatique presque violente.
Il en résulte un moment curieux, d'avoir appris une vérité déstabilisante d'une façon suffisamment crédible tel un pan d'obscurité révélée, qui s'efface une fois sortie au soleil dehors prés des platanes, sous la brise sur les ombres des feuillages de juillet. Après avoir vu les belles photos de Vivian Maier dans un livre, dans le hall en friche d'usine, de ce nouveau théâtre, où on peut commander un délicieux et rafraîchissant jus de gingembre.

juillet 2017

 

 

 

 

Anecdote "Toute entière Vivian Maier"