festival2011

Théâtre En Mots critiques de théâtre et des arts de la scène

 
Danse/ Création 2011, 1ère mondiale le 16 juillet
Cesena
d' Anna Teresa De Keermaeker et Bjorn Schmelzer
    Rosas/Graindelavoix-----
Bruxelles/ Anvers--
 
Choregraphie : Anna Teresa De Keermaeker
Scénographie : Ann Veronica Janssens
Costumes : Anne-Catherine Kunz

Créé et interprété par : Rosas et Graindelavoix :
Olalla Alemán, Haider Al Timimi, Bostjan Antoncic, Aron Blom , Carlos Garbin, Marie Goudot, Lieven Gouwy, David Hernandez, Matej Kejzar, Mikael Marklund, Tomàs Maxé, Julien Monty, Chrysa Parkinson, Marius Peterson, Michael Pomero, Albert Riera, Gabriel Schenker, Yves Van Handenhove, Sandy Williams

Cesena

Cour d'Honneur du Palais des Papes
à 4 H 30 du matin,  le 16 17 18 19 Juillet

Durée estimée : 1H30

 

      

 


Coproduction : Rosas, La Monnaie/De Munt (Bruxelles), Festival d’Avignon, Théâtre de la Ville (Parijs/Paris), Grand Théâtre de Luxembourg, Festival Oude Muziek Utrecht, Guimarães 2012, Steirischer Herbst (Graz), deSingel (Anvers), Concertgebouw Brugge

 

 

 

"Avignon, Cour d'honneur, quatre heures et demie du matin. Cela promet d'être une expérience hors du commun : la ville encore endormie, le jour naissant, si propice à une rencontre en face à face, franche et directe, entre chanteurs et danseurs, entre la musique du XIVe siècle et le public d'aujourd'hui. La chorégraphe Anne Teresa De Keersmaeker et le directeur artistique de l'ensemble vocal Graindelavoix, Björn Schmelzer" () construisent une "danse à partir des mouvements essentiels du corps humain"."La maestria d'Anne Teresa De Keersmaeker et celle de Björn Schmelzer se renforcent mutuellement dans cet exercice : rendre audible ce qui risque de disparaître dans de multiples superpositions de notes, rendre visible la façon dont un corps peut traduire cette musique par une fluidité naturelle".


 

 

4H du matin. Les rues d'Avignon en ce samedi soir du 16 juillet -matin du 17- ne sont pas vides. Des festivaliers y circulent encore, rares il est vrai. Mais au débouché vers la Place du Palais il y a foule. De gens calmes, sous une lumière à peine plus forte qu'à l'ordinaire. A bien y regarder on y fait la file. Pour se servir à de grandes cafetières un gobelet de café chaud. Ceci des deux cotés du Palais. Au centre sont proposées des infusions d'algues bio. Les chaises du café de la Place fermé à cette heure,  nous accueillent pour siroter de nuit ces boissons. Si ce n'est le balayeur du lieu arrivant à nos tables, qui  nous en fait lever le temps de son travail urgent. La foule plutôt jeune grossit lentement, toujours dans le calme, amusée. A 4H40 les portes du Palais s'ouvrent. Rien ne presse. Il est vrai que nous sommes venus pour une célébration d'un élément naturel, le lever du soleil. Le spectacle, dans cette quête, attendra pour commencer que tout le monde soit confortablement prêt. Un peu avant 5h les lumières s'éteignent progressivement, nous nous doutons que nous n'en reverront d'ici le jour.
 
Dans le noir, sous un ciel orangé, on ne distingue guère qu'un cercle blanc très large dessiné sur le sol, et les trous de fenêtres avec des traînées noires en dessous dans les murailles de ce Palais moyenâgeux construit et transformé sur plusieurs époques.
Des gradins à mi-hauteur, on aperçoit vaguement un homme venir sur le bord de la scène, apparemment nu. Il s'accroupit, émet un son continu, entre le cri et la mélopée. En guise de variation, il se relève puis s'accroupit à nouveau, tandis qu'on entends le bruit d'un matelas qui se dégonfle. Ceci plusieurs fois. La répétition simultanée du geste et du son, entraîne le fou rire des spectateurs, déjà dans le noir depuis quelques minutes. On se demande si ça va continuer sur le même registre.
Des danseurs, masse sombre dont on ne distingue que les bras, les jambes et la tête, virevoltent dans et autour du cercle, qu'il traversent ou qui devient le centre de leurs figures. Un cercle, symbole multiple comme un mouvement de rassemblement, comme le soleil et la lune, dont le bord à mesure des passages s'effrite, évoquant de plus en plus l'astre de lumière que l'on attends. En attendant, il se fait lac gelé sur lequel glissent des patineurs. C'est un moment esthétiquement fort, évocateur des peintures de Breughel. On y allume un feu, petit point rougeoyant bienveillant dans la pénombre de la nuit, auprès duquel les ombres noires se réchauffent les mains. Ce sont en fait des bandes orangés fluorescentes sur les baskets d'un danseur qui donnent ce effet poétique de lumière et de feu, à l'aide d'un élément contemporain qui en est apriori des plus dénué.
 
Cette ode à la lumière et les symboles de lutte, dans les figures des danseurs qui oscillent entre symbiose et combat, offre une vision de notre époque, sur les bases médiévales qui sont à l'origine de la création de Cesena pour la Cour d'Honneur du Palais des Papes. Par la magie d'Anna Teresa de Keersmaeker cette pièce qu'elle a crée, devient une oeuvre chorégraphique; ouverte, à la discussion sur ses thèmes, aux adaptations qu'elle peut offrir dans d'autres lieux, à la manière de créer sur une base déterminée en gardant des mêmes principes d'occupation de l'espace par le corps.

Dimanche 17 juillet 2011