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Théâtre, à partir de 15 ans
Liebman renégat
de Riton Liebman, David Murgia
 
Théâtre de l'Ancre
(Charleroi, Belgique)
Conception, texte, et interprétation : Henri Liebman
 
Conception, collaboration a la mise en scène : David Murgia
 
Assistants à la Mise en Scène : Yannick Dure, Aurélie Alessandroni
Scénographie : Sarah de Battice
 
Composition et interpretation musicale : Philippe Orivel
 
Interprétation sur scène : Riton Liebman, Philippe Orivel
 
Créations lumière et vidéo : Gwenaël Laroche
 
Régie lumières et vidéo : Aurore Leduc, Arnaud Bogard
Régie son : Benoit Pelé
 
Images d'archives : Sonuma,
Documentaire  Hugues Le Paige

n

La Manufacture
2 rue des Ecoles
(part du milieu de la rue Guillaume Puy)
patinoire

à 16H15

 du 6 au 24
juillet 2016, relâche le 18
 
Durée : 1H45
(trajet navette comprise)

Réservation : 04 90 85 12 71

Production : L'Ancre (Charleroi); Coproduction : Théâtre Varia et K. Soutien : La Halte (Liège), le Théâtre de Liège et l'asbl MNEMA -Cité Miroir-. Remerciements : ESACT.  Riton Liebman meilleur auteur au prix de la Critique 2015

 

 

"Riton Liebman a choisi de porter à la scène un renégat qu’il a bien connu : son père Marcel. Un juif de gauche, universitaire de renom, militant de toutes les révolutions, mais un juif... pro-palestinien. Comment parvenir à grandir dans son ombre ? A travers le portrait de Marcel, Riton le terrible nous ramène à un certain militantisme post-mai 68... D’anecdotes en moments de grâce, Riton Liebman nous interpelle avec audace et humour à travers un récit orchestré par David Murgia et mis en musique par Philippe Orivel".

 

 

 

Le décor dans la pénombre est engageant, dans une ambiance loft new-yorkais aux influences années 60, de nos jours. Trois grands cadres de tailles différentes à moulures dorées sont accrochés en haut d'un mur noir, qu'ils encadre. Au bas de celui-ci, des instruments de musique. Meublant la pièce, un vieux fauteuil, un micro.
Un homme assez grand, un peu voûté, une gueule et des yeux bleus, nous parle de son enfance. Et nous dit s'appeler Riton, ce qu'il déplore, préférant le prénom d'Henri qui est le sien, qui lui va mieux tout de même.
 
C'est au violon qu'il commence, instrument représentatif de la culture de sa famille. Ce qu'il raconte est ponctué de belles musiques composées ou existantes. Au piano joué par Philippe Orivel co-interprète, dans un coin le long du mur faisant partie du décor aux allures cinématographique. D'une belle voix, celle du comédien, comme dans une comédie musicale, en solo, en choeur avec le piano ou s'accompagnant à la guitare. Des musiques et chansons sur des disques prennent en force, d'abord le pas sur le piano, avant de lui restituer sa place ininterrompue, tel le fil conducteur de l'histoire, fil de la vie tranquille ou en colère. La qualité musicale et sonore des compositions est enthousiasmante, on aimerait en entendre plus, pouvoir être emporté par cette musique qui reste ponctuelle mais présente ainsi, tout au long de la pièce.
 
Le récit est  un hommage au père du comédien, Marcel Liebman, intellectuel, militant de gauche, juif pro-palestinien, dans les années 70. Des information filmées d'archives, viennent s'inscrire sur les tableaux au mur. A la télévision en noir et blanc, crépitante de milles lumières avant de s'allumer, passe le penseur et philosophe Marcel Liebman interviewé lors d'une émission. Barbu, comme on l'était à l'époque, à lunettes ray-ban, un homme apparemment sérieux, paisible et intellectuel, dit ses espoirs et ses souhaits pour le monde à venir. C'est un homme juif, qui prône la paix et la vie en harmonie avec ses frères de toujours, les Palestiniens en Israël, deux peuples qui ont grandis ensemble pendant des millénaires, partageant la même terre. C'est dans ce climat qu'a vécu Riton Liebman, Un climat de militantisme, de luttes en mai 68 et sa Révolution victorieuse et enthousiaste, pour plus d'égalité, tandis que lui, ado amateur de discothèques, avait des préoccupations plus hédonistes et dilettantes.
 
Son fils de quinze ans aujourd'hui, fait du rap, cite volontiers son grand père, professeur d'études politiques et sociales, concerné, par sa façon ouverte de voir les choses, prônant la tolérance dans le souci de voir la paix s'établir entre les gens, qui à été solidaire du peuple Palestinien dessaisi de ses terres, homme devenu à gauche par conviction, au contact de sa femme, et qui apprenait à ses étudiants à défendre les faibles devant le pouvoir. Le petit fils n'a pas connu le racisme étonnant contre son parent, au discours en contradiction avec certains de ses pairs radicaux; d'une droite évanouie lors de l'ère socialiste qui à suivie dans les années 80, qui réapparaît sous la forme de l'extrême droite aujourd'hui. Le petit fils admire les idées de ce professeur, encore étudié aujourd'hui, pour celles-ci .
 
Marcel Liebman a trop tôt disparu, d'un cancer. Sa famille a reçu des menaces de mort pour ses opinions pacifistes. Admiré, il dérangeait aussi, notamment ceux qui font leur lit des guerres, des profits qu'elle apporte. Son cancer a-t-il été provoqué ? Ceci n'est ni dit ni évoqué dans la pièce, mais il apparaît comme une curieuse circonstance malencontreuse, qu'un tel homme, disparaisse si jeune. Henri décrit son père, en homme au caractère positif, aussi père soucieux devant la maladie, de ne pas effrayer son garçon.
 
Riton Liebman, comédien, metteur en scène, musicien, écrivain, délibérément touche à tout, dans un même domaine de création, s'interroge sur cet héritage qu'il n'a pas porté à son tour, dont il n'a pas prolongé la quête, faute peut-être d'avoir vécu dans le pays de ses origines, la situation d'exilé, l'occupation d'avant-guerre. Dans une époque, où l'aspiration du changement pour le bien ne motive plus, désabusé de tout. Et surtout conduit, à se centrer sur soi-même et son propre profit, favorisant haine entre les gens, acceptation du pouvoir en place, sans lutte commune au profit de la démocratie et du partage. En scène, il décrit sa famille, leur vie chaleureuse et gaie, l'Université Libre de Bruxelles où enseignait son père, des souvenirs de manifs, où gamin, son père l'emmenait avec ses étudiants. Riton se déclare buveur de bières, drogué à une époque, qui n'a pas les qualités de son père, et n'est pas un père exceptionnel pour son fils.
 
Tout ceci  pour dire que la pièce porte sur des sujets intéressants. Dans des mises en décor, en scène, et en musique, choisies de façon heureuse, chaleureuse et moderne. Nous faisant osciller par la lumière et des effets, d'un loft à un piano bar, à une discothèque avec fumigènes colorés et feutrés. Par l'évocation des disques vinyles entendus, on peut se souvenir de ces vrais morceaux de musiques qu'on regardait tourner et avancer dans les sillons, dont on écoutait et réécoutait chacun, rendant hommage au travail de l'auteur qui avait construit chaque titre pour qu'il soit une oeuvre individuelle achetée comme telle. Les images télévisées, à la suite d'éclairs lumineux figurant l'allumage d'un écran cathodique, ou le générique d'un feuilleton de l'époque parlant d'une fée, font revivre le temps passé, tandis que les visages, s'inscrivent dans les cadres de musés accrochés au mur. Des informations présentées d'une façon magique, comme elles pouvaient être perçues, seules images animées d'autres lieux que le sien, plus accessibles que le cinéma. Les évocations clés de l'époque, marquent le contexte de la pièce. Du temps où régnait un esprit d'allégresse, d'espoir de vie meilleure et de soucis derrière soi. Tous ensemble, sans que soit un cliché, parce que ce n'était pas qu'un mot, mais la vie même. En osmose et relativement facile, avec du travail  foisonnant et des aspirations dans laquelle l'argent ne primait pas. Des évocations agréables à revivre pour les gens de cette génération, celle d'Henri Liebman, de cette époque où on n'hésitait pas à critiquer l'établi, où la parole était libre, pour contrer, avec des arguments. Peut être une voie de repères pour les plus jeunes. L'état actuel, de la société, n'est pas un échec de ces valeurs. Mais un oubli de celles-ci.

Avignon, Manufacture (patinoire), représentation du mardi 19 juillet 2016

 

          

 

 

 

préambule Manufacture a l'occasion du spectacle