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Théâtre spectacle
Saïgon
de Caroline Guiela Nguyen
 
Hô Chi Minh -Ville / Valence
Création 2017
Mise en Scène : Caroline Guiela Nguyen
Scénographie : Alice Duchange
Dramaturgie : Jeremie Scheidler, Manon worms
Collaboration artistique : Claire Calvi
Traduction : Duc Duy Nguyen, Thi Thanh Thu Tô

Avec : Caroline Arrouas, Dan Artus, Adeline Guillot, Thi Truc Ly Huynh, Hoang Son Lé, Phu Hau Nguyen, My Chau Nguyen Thi, Pierric Plathier, Thi Thanh Thu Tô, Anh Tran Nghia, Hiep Tran Nghia

Lumière : Jeremie Papin
Son : Antoine Richard
Costumes : Benjamin Moreau

 

Gymnase du Lycée Aubanel

à 17H

les s8,  d9 l10,
me12,  j13, v14,
 juillet 2017

Durée :  3H45 avec 2 entractes

Réservation Festival d'Avignon : 04 90 14 14 14

    

 

Production : Les Hommes Approximatifs

Coproduction : Odéon-Théâtre, la Comédie de Valence, Cdn Normandie-Rouen, Théâtre National de Strasbourg, Cdn de Tours,  Comédie de Reims,  Théâtre de la Croix Rousse, Lyon,  etc

Soutiens : Région Auvergne- Rhone Alpes.  Avec l'aide de : l'Odéon Théâtre pour la construction des décors, la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon

"Après des études de sociologie et d'arts du spectacle, Caroline Guiela Nguyen intègre le Conservatoire d'Avignon en 2004. En 2005, elle est reçue à l'école du Théâtre national de Strasbourg en mise en scène. Elle fonde la compagnie les Hommes Approximatifs en 2009 avec Claire Calvi, Alice Duchange, Juliette Kramer, Benjamin Moreau, Mariette Navarro, Antoine Richard et Jérémie Papin. Après avoir monté quelques grands classiques, ils s'attaquent ensemble à leurs propres récits, aux histoires et aux corps manquants, absents des plateaux de théâtre. Dès lors, ils ne cesseront de peupler la scène du monde qui les entoure. Depuis 2015, Caroline Guiela Nguyen collabore avec Joël Pommerat et Jean Ruimi à la création de spectacles à la Maison Centrale d'Arles, dont "Désordre d'un futur passé". Caroline Guiela Nguyen est aujourd'hui associée à l'Odéon-Théâtre de l'Europe, à la MC2: Grenoble et fait partie du collectif artistique de La Comédie de Valence, Centre dramatique national Drôme-Ardèche".

 

 

       
 

"Comme les acteurs, les personnages de Saïgon sont français, vietnamiens ou encore français d'origine vietnamienne. Quelle que soit leur génération, ils ont en commun des paysages, des visages, des chansons, une langue qui, pour certains, n'existent plus que dans leurs souvenirs. Le lieu lui-même n'échappe pas à cette nostalgie. Un restaurant coincé dans un espace-temps compris entre la France d'aujourd'hui et le Saïgon des années 50 où les personnages ont pris l'habitude de se croiser, de se retrouver pour manger, chanter, boire, danser, s'aimer et tenter de célébrer la vie malgré tout. Fruit d'un long travail d'immersion entre la France et le Vietnam, ce récit polyphonique invente les voix de femmes et d'hommes marqués par l'histoire et la géographie. Tous portent en eux l'empreinte de la modification de notre monde. Saïgon est une terre blessée, il y a toujours quelqu'un qui manque, quelqu'un à pleurer, et c'est ce trajet des larmes qui nous guide. Caroline Guiela Nguyen évoque avec la présence de ces onze comédiens une France qui existe au-delà des limites qui lui sont assignées, au-delà de ses frontières".

 

 

 

         
 
La  pièce se déroule sur deux époque, à "Paris en 1996" et "Saïgon en 1956", dans un même lieu, un restaurant Vietnamien et ajout d'accessoires et d'éclairages des différentes scènes, avec le défaut d'une certaine jeunesse arriviste un peu kitch. Pour autant le spectacle ne manque pas de qualité. Le sujet du sentiment d'exil, ici des Vietnamiens peu traité, est original, par la mise en lumière de cette communauté. Nonobstant un sentiment carton pâte, les personnages et les attitudes soulevées sont justes.
Le début de Saïgon se passe en 1996 à Paris, ce qui se reconnaît d'emblée par l'ameublement du café-restaurant, les vêtements des personnages. Le changement d'époque se matérialise par un changement de lumières, qui "blanchit", affadit les couleurs, restituant un effet d'intérieur sans couleur qui permet d'évoquer l'époque de 1956, inscrit au néon au dessus de la scène : "Saïgon 1956", à la place de "Paris 1996".
Toute l'histoire se passe dans le restaurant Vietnamien  où se croisent des personnes diverses, Vietnamiennes ou Françaises d'origine, travaillant, ou de la famille de ceux qui y travaillent, ou clients, de ce petit restaurant familial d'expatries. On y trouvent des piliers de l'endroit, comme le légionnaire, ancien Marseillais dérangé à moitié fou, qui habite à l'hôtel à coté et espére la vie avec une femme, le jeune Vietnamien sans logis exilé parti chercher fortune ici, la vieille serveuse méprisée par les riches blancs qui  la traite comme de la famille mais aussi comme une esclave corvéable qu'on insulte suivant l'humeur, la jeune femme aveugle qui cherche à "héberger" contre services sous couvert de charité, la femme blanche fille de militaire en qui la servante voit l'espoir de nouvelles de son fils disparu à la guerre, etc
 
Un jeune Vietnamien, dit, "se débrouiller", interrogé dans le restaurant, pour évoquer, qu'il n'a pas de maison, tandis qu'une esseulée lui propose son canapé, mais pas son lit, ce qui blesse le Vietnamien sans logis et exilé, qui ne veut pas la charité mais accepterait mieux une déclaration d'amour (même si l'esseulée ne lui plait pas). L'esseulé dit vouloir "aider", motivée par sa seule solitude, sans réaliser son offre blessante en l'occurrence. Elle insiste, le jeune homme ne comprends pas pourquoi. Il finit par accepter. Ils n'ont rien à se dire, rien en commun, l'un a tout ce que l'autre n'a pas, tandis que leurs différences de cultures est une source de méprises, qui cause du ressentiment, voire de désespoir, pour celui qui n'a pas de solution, dans la précarité, et ne ne supporte plus, ce qui ressemble à de la charité coloniale.  A cette femme qui le loge, il doit tout dire, quand il sort, où il va, où il est allé, avec qui. Jalouse de savoir même, qu'il est allé manger "au Restaurant", lieu refuge d'exilé, où il retrouve des gens de son origine qui peuvent comprendre, même sans parler, tout ce qui fait la vie du jeune Vietnamien. C'est dans ce Restaurant que sa vie privé si on peut dire, se déroule, qu'un espoir d'avenir peut se dessiner. Il peut être ici, compris, plus respecté au moins, que "chez la Française", qui veut aussi lui apprendre, à lire, le Français et des choses non fondamentales pour lui. Comme pourrait l'être, de lui fournir un travail., pour qu'il puisse se marier, bâtir sa vie ici puisque le sort en a voulu ainsi.
Il y a ce vieil homme, déjà âgé maintenant, qui se voit moqué par de jeunes Vietnamiennes au Vietnam, où il est retourné pour découvrir son pays d'origine tandis qu'il à vécu en France, avec la culture Française. Ces jeunes femmes n'ont plus la culture Vietnamienne d'autrefois, faite de discrétion et de respect. Parmi ces jeunes à moitié prostituées, le vieil homme, qui a oublié avoir vieilli, croit qu'une d'elle un peu plus gentille, pourrait être sa femme. Les femmes le raillent, jouent à lui mentir.
 
Un des personnage fort est la petite dame âgé, serveuse Vietnamienne, qui cherche son fils disparu il y a plus de vingt ans. Elle demande à une jeune dame Colon, qu'elle à élevée en tant que nounou, des nouvelles de son fils, quand elle a le vague à l'âme, que le travail lui pèse trop, la solitude, le huit clos de sa condition de servante ici. La jeune dame bien habillée et très grande (aux allures de Sandrine Kiberlain) ne comprends pas bien les mots ânonnés en mauvais Français de la servante, le lui reproche. La dame est insultante et blessante souvent, avec elle, à qui elle parle aussi par ailleurs à d'autres oments, comme si elle était un proche, en soliloquant. On se demande d'abord pourquoi la dame âgé répète si souvent cette demande à cette femme, on pense qu'elle doit perdre la tête. Puis l'interpellée finit par répondre "qu'elle essaiera". Le temps, les années passent, mêmes questions. La jeune femme, qui a vieilli entre temps divorcée ou veuve, s'énerve, l'air effrayé, gênée, elle dit à la servante qu'elle ne peut rien, que doit être oubliée cette interrogation si ancienne. Finalement la jeune maîtresse de maison, énonce que seule une recherche auprès de son ex mari officier ou auprès de collègues de son mari, pourra peut être amener à une réponse, dans longtemps. Ce sont des dossier de guerres, donc peut être secrets. Aux dernières nouvelles en possession de la mère, le fils effectuait ... son service militaire. La servante à pour première information, celle d'un camp où à été envoyé son fils. Il faudra attendre encore, avant qu'elle ne sache toute la vérité : le camp a été bombardé, son fils y a disparu  (sous une bombe des Américains). C'est un désespoir pour la mère, qui en veut, à la dame de cette réponse, à l'état d'avoir laissé son fils se faire tuer, et de lui avoir caché la vérité. C'est par un intermédiaire, le jeune Vietnamien, qu'est traduit la terrible nouvelle, trop dure à entendre pour la femme dont le Français n'est pas la langue, qui d'ailleurs n'a plus rien voulu entendre quand elle a compris à demi mot. Toute la vie de la femme âgé s'est basée, avec l'idée, que son fils allait revenir, oubliant de dire depuis combien de temps elle n'en avait  plus de nouvelles.
 
Si la pièce est longue c'est qu'on suit chaque personnage dans une séquence de sa vie où le restaurant est le lieu qui les unit. Le temps du silence, de l'attente, d'un repas partagé, compte pour s'immerger dans ce qui fait le caractère de ces vies, leurs déroulements, les mariages et divorces, les tentatives pour vivre comme tout le monde, avec des origines entre deux cultures. La pièce est fait de bouts de récits, de personnages incarnés, dans une histoire collectée par la metteuse en scène, synthétisé dans un même lieu. Il y a des chants pathétiques, d'autres plus enthousiasmants, dans un coin d'orchestre dans le restaurant, avec des lumières colorées quand vient le moment, qui éclairent de chants, de musique et de festivités, la pauvreté de ces existences.
Au final, et malgré ses défauts, c'est une chouette pièce, originale, qui immerge avec humour dans un Vietnam de restaus Parisien auréolée de pièces de boulevard et de films de type "L'Auberge espagnole" de Klapish (en moins léger), coloré et musical par moments, pour nous faire partager des instants de vies différentes de la notre, matinés d'historique, comme en coulisse.

12 juillet 2017